SHO-OTER

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La Station - Nice - France

Du 09-02-2019 au 20-04-2019

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Informations sur le vernissage : le vendredi 8 février 2019 à 18h / "Shots" : série de performances de Pauline Brun (en collaboration avec Diane Blondeau et Valérie Castan) de 19h à 21h.

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Vernissage le vendredi 8 février 2019 à 18h

« Shots » de 19h à 21h / série de performances de Pauline Brun (en collaboration avec Diane Blondeau et Valérie Castan).

Depuis 2016, la D.R.A.C P.A.C.A aide La Station à mettre en place des résidences temporaires pour les artistes plasticiens. La Station a choisi de proposer deux résidences d’une durée de quatre mois. Pour chacune d’entre elles, une bourse de 3500 € est versée aux artistes, leur permettant d’assurer production, transport, déplacements et per diem. Un logement en centre-ville leur est attribué ainsi qu’un atelier d’une surface de 40m2 à La Station.
Les deux lauréats 2018 étaient Pauline Brun pour le printemps et Rémi Groussin pour l’automne. Cette exposition rend compte des recherches qu’ils ont réalisées durant ces résidences.

Sho-oter est la contraction de l’anglicisme shooter — tirer, filmer — et d’un pictogramme — une paire de lunettes ; il figure la rencontre entre les performances absurdes de Pauline Brun et les séduisantes sculptures dysfonctionnelles de Rémi Groussin.

Pauline Brun est performeuse mais également vidéaste et sculptrice : elle construit sa pratique dans un aller-retour constant entre l’atelier, le théâtre et l’institution. Ces espaces, aux spécificités propres, ont en commun d’engager le processus artistique dans une spatialité circonscrite. A La Station, l’atelier est devenu par nécessité un espace hybride, permettant à l’artiste de penser simultanément ces différentes disciplines.

Pour Sho-oter, Pauline Brun reproduit ce croisement par la création d’une scénographie appelant à la déambulation. Reconfiguré, l’espace d’exposition deviendra le soir du vernissage le lieu de performances (conçues et réalisées en collaboration avec Diane Blondeau et Valérie Castan) autour d’un personnage que Pauline Brun définit comme scruffy. Ce mot anglais signifiant «miteux, débraillé, sale, peu soigné» s’incarne sous les traits d’un personnage au visage masqué par une chevelure brune, obstiné dans les situations absurdes qu’il rencontre. Entretenant une relation ambivalente avec les espaces et les objets, il semble poursuivre, dans une logique absconse, un but connu de lui seul. Ce corps-catastrophe qui convoque le burlesque exprime par sa poésie agitée et distraite le plaisir de produire une action en soi, ramenant dans le champ de la performance la notion primaire de jeu. Pauline Brun détourne ainsi la définition même de performer (au sens de compétitif, efficace, productif) : en jouant sur l’accumulation et la répétition d’actions au prime abord incohérentes, elle révèle les potentialités haptiques de l’espace.

Le territoire de l’artist-run space est également investi dans ce qui compose son hors-champ (bureau, réserves) ; récurrence dans le travail de l’artiste qui joue dans ses dramaturgies des limites de l’espace public, lui préférant souvent la périphérie, l’interstice.
La salle d’exposition gardera après le vernissage les vestiges de ses performances ; par ailleurs plusieurs indices laissent à penser que son personnage maladroit s’est également déplacé dans les couloirs en luttant contre l’espace droit des cloisons. A la fois traces et œuvres, ces formes ouvrent des situations de fiction dépassant le temps de la performance pour investir pleinement le champ plastique.
Des vidéos réalisées durant sa résidence donnent à voir les nuances existant entre action filmée et action directe. La vidéo n’est pas ici une archive du geste performatif : l’action y est pensée en fonction d’un cadre, d’une lumière, d’une prise de son et fait souvent l’objet d’un montage.

Planant autour de cette aire de jeu désordonnée, les enseignes de Rémi Groussin grésillent, baignant l’espace d’exposition dans une lumière bigarrée. Cet artiste construit lui aussi une œuvre polymorphe : ses sculptures, installations, vidéos et performances composent un paysage artistique dans lequel se télescopent références artistiques, cinématographiques et télévisuelles. En élaborant des scénarios plastiques pensés de manière empirique en fonction de l’espace qui les accueillent, il construit une narration formelle souvent axée sur le hors-champ.
A la manière d’un apprenti, Rémi Groussin travaille régulièrement avec des artisans et des entreprises, dont il s’approprie les techniques et les compétences. S’il met l’analyse des matériaux et de leurs constituants au cœur de sa pratique, ses dispositifs sont pourtant souvent inopérants : une forme de résistance dans le travail, une sorte de contre-pied, semble empêcher l’achèvement de l’œuvre.

Pour Sho-oter, ses sculptures lumineuses, réalisées durant sa résidence avec le soutien de l’entreprise Atomic Néon, utilisent les codes publicitaires pour mieux les invalider.
Dans ce contexte, Rémi Groussin s’est particulièrement intéressé à la forme des lunettes, celle-ci lui permettant de penser l’assemblage à partir d’éléments simples : deux ronds, une barre. De la déconstruction du pictogramme et de ses éléments constitutifs découlent une décomposition de la représentation schématique : la fonction du néon bascule dès lors dans le champ sculptural, le signe disparaissant au profit de la forme. Dans cette recherche processuelle, chacune des spécificités techniques de l’objet se trouve décortiquée : lumière, structure, gaz, mais également tension électrique, système d’accroche …

Pensées pour être vues de loin, les enseignes semblent ici disproportionnées par rapport à l’espace d’exposition : distordant le rapport d’échelle, elles rehaussent par leur luminosité, tantôt défaillante, tantôt éclatante, l’architecture des anciens abattoirs. Leur proximité dévoile également leur façonnage, étonnamment plus artisanal que technologique : l’entremêlement de cylindres, de fils, de douilles et de ballasts révèlent la fonctionnalité brute de l’objet. Ainsi, Rémi Groussin met en place une dramaturgie antagoniste dans laquelle le mécanisme mis à nu se nimbe d’un faste ostentatoire.
Cette déconstruction questionne à terme le statut de l’objet — comment celui-ci se fabrique, s’expose, se transforme, s’épuise-t-il ? Elle est le point de départ d’un scénario artistique dans lequel le dispositif dépasse le champ sculptural pour investir ceux de la scénographie et de la fiction.

Les assemblages hasardeux de Rémi Groussin pourraient rejoindre les gestes vains de Pauline Brun dans ce qui conditionne leurs productions : le travail en atelier et le geste. Mais cette forte appétence ne fait réellement sens que parce qu’elle leur permet de distordre leurs propres mécaniques processuelles et fictionnelles. En faisant ce pas de côté, ils produisent des œuvres dont les formes arrêtées sembleraient pouvoir muter indéfiniment vers des potentialités inachevées.