Lignon Ludovic

Curriculum Vitae / Informations

D e quoi relève ce désir d’en finir avec l’évidence du visible ?

D’une certaine brisure dans l’ordre du temps qui ouvre à ce monde problématique de l’attente. Ludovic Lignon développe cette forme de rupture, de vide et d’indécision qui consiste à ne rien coaguler ni dans une matière ni dans une vision mais à s’en tenir à une sorte d’interrogation prolongée sur ce qui vibre à la surface des choses et de la vie. Il entrecroise des données précaires, des échos, des apparitions et des disparitions, des gains et des pertes, et en déchire le tissage pour ne pas réduire sa visée à un simple mode d’emploi.

Qu’on ne se méprenne pas : il n’est pas question ici d’une activité d’usure et d’élimination. Ludovic Lignon procède par fulgurances et percées, par détermination de seuils et de passages sans cesser de susciter l’imaginaire comme une pierre jetée dans une eau calme qui donne naissance à une multitude de cercles concentriques. L’intervention prend donc l’allure d’une proposition d’énergie, d’être et de sens : quelque chose comme le pouls imprévisible d’une émotion ou d’une pensée. Elle occupe un espace, travaille sur une durée, implique et gère une attention, néanmoins sans peser, sans napper, avec une extrême retenue. Son exigence découle de ce congé qu’elle ne cesse de se donner à elle-même.

Ludovic Lignon revendique une pratique musicale et utilise aussi le son et la lumière artificielle comme des outils, des codes ou des signes de sanction, d’incitation ou de modification. Il dresse un immense mur en laine de roche et amène le spectateur à appréhender sa frontalité par la curieuse articulation d’une approche et d’une écoute. Il associe des ponctuations lumineuses et acoustiques pour créer dans un espace des dimensions poétiques et provoquer des parcours porteurs de signification et de connaissance. Il génère une qualité d’exposition qui repose sur de brèves interruptions d’éclairage et l’appréhension de toutes les résonances de l’espace.

Chez Ludovic Lignon, l’attente prépare à la révélation et à la surprise. Mais ce qui arrive (ou n’arrive pas) ne se manifeste pas avec la prétention de transformer de manière spectaculaire l’ordre des choses. Mélange d’espace et de temps, de combinaisons de situations et d’expériences, la révélation surprend par sa concision, sa minceur, son évanescence. L’ampleur se situe ailleurs. Dans cette puissance d’accueil, de compréhension sensible qui découvre les contours inconnus des devenirs possibles.

Didier Arnaudet (1996)

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