Cussol Béatrice

Curriculum Vitae / Informations

Les suites

Les révolutions sont douces pour que des trouvailles se transforment en travail des jours habités par cette production d’images, avec l’écriture, le dessin, le collage, qui sont mes trois pratiques principales et parallèles. Mais des idées sont enfouies, comme des annotations dans des cahiers bien rangés relégués au grenier ou des billets sous un matelas ou dans les poches de l’hiver, c’est-à-dire qu’elles ressurgissent régulièrement et régulièrement sont réenfouies jusqu’à trouver leur nécessité.
Toujours encore, je me demande bien où ça se transforme entre ce qu’on attrape et ce qu’on fabrique. Par exemple, il y a le monde de dessin (le travail du dessin pense) et le monde qui me tombe dessus, qui m’apporte peaux, oripeaux sous forme de tissus et vêtements et images que je trouve et que je garde, et intérieurs, pièces, couloirs de mémoire qui font des trous réversibles sous la forme de photos collées dans la peinture quand je la dessine directement sur le mur, elles ont alors le rôle d’un bord de revers, ou d’une doublure.
Ainsi quand je vois une image ramenée d’une profondeur enfouie, ratissée, je la dessine immédiatement. Une urgence se fait sentir ou se laisse humer : c’est l’odeur du papier, alliée à celle, sur lui, d’archive légèrement moisie, de l’aquarelle. Je vois vraiment un dessin, pas une scène, pas une séquence comme un souvenir, pas une image en trois dimensions, ni rien d’autre, non, vraiment un dessin. Et du coup il y a une urgence face à la tâche qui m’échoit d’archiver ces images qui m’arrivent comme des évènements en cascades, d’où le stylo requis qui vient vite sous la main, le pinceau vers l’eau, le feutre trempé dans l’encre.
Sinon, pour dessiner, je ne me force pas à imaginer quelque chose, mais j’accompagne mes pensées le plus longtemps possible. Petit à petit, elles me mènent vers de nouveaux personnages qui me parlent d’une autre histoire que celle qui était prévue qui semble vouloir se libérer et s’épanouir. La pensée du dessin est ouverte comme quelque chose que l’on ne comprend pas juste parce que comprendre ne nous intéresse pas, et on peut en profiter pour faire le point, la ligne, le tiret, les traits. Ensuite vient la peinture en elle-même, c’est-à-dire le travail de la matière, la plus lisse, ou liquide, ou craquelante, ou crissante ou d’autre matière résultant de la vie de la tache, de la flaque, du trait.
Ma maison est volante, j’y passe très souvent sans vraiment parvenir à ce que ce soit la même qu’avant. J’ai du mal avec ses portes. S’il s’agit d’un monde de doublure, d’un lieu d’addition d’images toujours encore à inventer, d’une vaste épopée de filles pleines dans lesquelles rien ne saurait imposer clôtures à leur liberté sans censure, il s’agit aussi de redéfinitions et de promesses. Je continue, en fait je prolonge, je veux vivre ce que pour l’instant je n’arrive pas à transformer, et c’est comme ça que ça commence tout le temps, ce qui nous hante nous traverse dans la poussée ou la venue de sa construction, les choses énormément se déversent et leur développement comme une purée ponctuelle de choses redites ou sur/souvenues forment le présent de là où ça travaille en écrivant, en dessinant.

B. Cussol

La Station vous invite à une lecture de Béatrice Cussol pour la sortie de son roman « Sinon » aux éditions Léo Scheer, collection Laureli:

Quand Sally rencontre Sally… Un roman d’amour à la fois sensuel et onirique, entre filles.
Une serveuse drague des filles entre deux services. Une cow-girl est bien trop sexie et hardie. Une mère s’inquiète pour la santé de son enfant à naître. Diane est trop blonde, sort trop tard le soir. L’auto-stoppeuse hésite. Lola la poule est une sale gosse qui vénère ses chaussures. Et Béatrix écrit les amours de sa vie en ne sachant jamais trop quoi penser de son corps que son regard déforme…
Dans ce roman au charme fascinant, Béatrice Cussol entrecroise les histoires d’icônes féminines, héroïnes ou anti-héroïnes désirantes, excessives, à travers le prisme d’une langue ciselée, d’un baroque délicat. On entre dans un rêve où le désir règne en maître, où la réalité se confond avec les fictions collectives. Ainsi, les deux héroïnes de Mulholland Drive de DAVID LYNCH apparaissent-elles avec leur énigme et leur passion, tout comme un couple de meurtrières tragiquement célèbre : PAULINE PARKER & JULIET HOLMES (ayant été adapté au cinéma par PETER JACKON sous le titre Créatures célestes). Des ambiances cinématographiques intenses et feutrées, en réminiscences obsédantes. On distingue aussi la silhouette de MARILYN MONROE ainsi que les tribulations drôlement incarnées des VIXENS de Russ Meyer… La femme, fille, mère, amante, rencontre, souvenir, est un corps rempli d’affects, lancé dans le monde en quête d’aventures dont elle est tour à tour maîtresse ou victime. Avec tendresse et cruauté, l’ auteure manipule ses personnages-marionettes, nous faisant découvrir leur intériorité comme une petite fille déshabillerait ses poupées, avec un sourire angélique et sadique. Faisant appel à l’imaginaire du lecteur, le sollicitant à travers une esthétique qui n’appartient qu’à elle, Béatrice Cussol crée un roman magnétique.
Chaque phrase y constitue un univers à part entière, multipliant les bifurcations narratives, dans la tradition d’un Borges.
Transgenre et agénérique, ce roman est avant tout un rêve littéraire à explorer sans retenue.

Expositions / Evènements